Histoire du village
Saint Robert, commune rurale et artisanale de 608 hectares, se situe dans l’Yssandonnais, aux confins du Périgord et du Limousin, au sud-ouest de la Corrèze. Situé sur la colline de Murel, le village culmine à 350 m d’altitude, juché sur son promontoire calcaire.
Le site fut certainement occupé dès l’époque celtique (gauloise), mais aucune preuve archéologique ou écrite ne peut l’attester. On sait par contre que la fontaine de Saint-Maurice était déjà fort réputée au IVe siècle.
Le village changea trois fois de nom au cours de son histoire : d’abord MUREL (du nom du tertre où il est situé), puis SAINT-ROBERT (en hommage au fondateur de la congrégation de moines venue s’y installer), devenu provisoirement MONT-BEL-AIR pendant la Révolution.
Riche d’un patrimoine architectural remarquable, il est inscrit à l’association des Plus Beaux Villages de France depuis 1982.
L’église, vestige d’un ancien prieuré du XIIe siècle, est classée « Monument historique », à la demande de Prosper Mérimée en 1843 (parue sur la liste des monuments historiques de 1862).
Un prieuré casadéen à Saint-Robert
Le village doit son nom à l’ermite prédicateur Robert de Turlande, mort en 1067, fondateur de l’abbaye de la Chaise-Dieu (43). En 1122, l’un de ses disciples aurait créé le prieuré « Notre-Dame » à Saint-Robert. Ce bâtiment majestueux fut probablement édifié grâce au soutien d’Archambaud de Comborn et de son épouse, fille du Vicomte de Limoges.
Selon une autre hypothèse, le prieuré aurait été construit à la demande de Géraud de Sales, né vers 1055 au Buisson-de-Cadouin, ermite prédicateur et fondateur d’édifices religieux.
L’église paroissiale actuelle est constituée des vestiges de l’ancien prieuré Notre-Dame, dont l’organisation architecturale était caractéristique des monastères bénédictins, ordre auquel se rattache la congrégation casadéenne.
Hélas, au XVIe siècle, dans le cadre des guerres de religion, un incendie détruisit une partie de l’église et notamment la nef de 35 mètres de longueur qui, depuis le XIIe siècle, lui donnait la forme d’une croix latine. Quant aux autres bâtiments conventuels, il n’en subsiste que de rares vestiges, enchâssés dans les bâtisses privées du bourg.
Voir la page du site « Centre de la Culture du Limousin Médiéval » consacrée au prieuré de Saint-Robert.
Une commanderie des hospitaliers à Saint-Maurice
Le hameau de Saint-Maurice, en contrebas du village, est une ancienne paroisse indépendante. On y trouvait une chapelle et une commanderie d’hospitaliers ou chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (aujourd’hui ordre de Malte).
Il est difficile de dater l’implantation des templiers à Saint-Maurice. On peut juste dire qu’une fontaine miraculeuse comme celle de Saint-Maurice puise probablement ses origines dans la divinisation celtique (gauloise) des sources. C’est sa version christianisée que l’archevêque de Bourges, Rodolphe (Raoul) de Turenne, primat d’Aquitaine, consacrera en 876 en élevant une petite chapelle taillée dans le roc. Ce modeste et symbolique monument a probablement servi de berceau au futur prieuré de Saint-Robert et par conséquent aussi au bourg primitif, comme d’ailleurs cela se voit dans de nombreux sites en France.
La paroisse de Saint-Maurice fut rattaché à Saint-Robert en 1790. Lors de son démantellement, les objets du culte furent transférés en l’église de Saint-Robert et la chapelle fut démolie.
Néanmoins, il existe encore quelques vestiges des édifices hospitaliers dans des maisons privées. Mais surtout, il subsiste une fontaine miraculeuse, largement remaniée au XIXe siècle. Elle fut réputée jusqu’au début du XXe siècle pour soigner les enfants malades, rachitiques. Aujourd’hui encore, on peut y rencontrer des personnes venant puiser son eau, pourtant peu accessible.
Une bataille de grande ampleur : la « Déroute de Saint-Robert »
Paradoxalement, ce n’est pas le fait religieux qui a donné au village son droit de citer dans la grande Histoire de France, mais une bataille. Cette bataille, appelée dans les manuels d’histoire « la déroute de Saint-Robert », s’est déroulée ici le 13 février 1653 pendant la guerre civile française de la Fronde (1648-1653). Les troupes du parti des Frondeurs ont été alors anéanties par l’armée royaliste menée par le marquis de Pompadour et le comte de Chavagnac.
Extrait de la Gazette de France du 15 Février 1653 décrivant les combats : « ……… Alors le Marquis de Pompadour, bien aise que la contenance des ennemis respondist à son ardeur, donna le matin du 13, tous les ordres nécessaires pour l’attaque, et résolut qu’elle se feroit par le dit sieur du Bousquet à la teste du régiment de S. André-Montbrun : comme il fit si vaillamment, estant soustenu de mesme par ledit Marquis, et tous les autres à son exemple, que les ennemis, après avoir fait d’abord quelque résistance, prirent l’épouvante et plièrent en telle sorte, que la plus grande partie de la cavalerie se mit en fuite, et le reste avec l’infanterie se rendit à discrétion et demanda quartier, qu’elle tascha de mériter par ses cris de Vive le Roy ; de façon que les nostres firent près de 700 prisonniers, et profitèrent de tout leur bagage, estimé plus de cinquante mille livres. Toutesfois, le dit Marquis de Pompadour fasché de voir échapper à son courage tant de fuïards, les poursuivit l’épée à la main à plus de trois grandes lieuës de là : et faute de les pouvoir atteindre, il eut la satisfaction de les chasser entièrement de la Province. En suite de quoi, ayant mis les prisonniers en lieu de seurté, il envoya porter la nouvelle de ce bon succez à Leurs Majestez. ».
Un village voué au commerce, à l’artisanat… et à la justice !
Les moines quittèrent le prieuré de Saint-Robert au XIVe siècle. La présence seigneuriale devint plus importante à partir de cette époque, avec la construction de plusieurs castels et maisons nobles. Du XVIIe au XIXe le bourg connut, semble-t-il, une période de prospérité, avec l’installation d’un tribunal de justice et d’une cour des d’appeaux (cour d’appel), ainsi que le développement de l’artisanat et du commerce. Saint-Robert fut notamment un village viticole jusqu’à la crise du phylloxéra, qui débuta en 1870. On y voit encore de nombreuses maisons de vignerons, avec leur escalier de pierre extérieur et leur cave voutée.
Pour preuve de l’essor de la commune, notamment après son regroupement avec Saint-Maurice, Saint-Robert devint, de 1790 à 1801, le chef-lieu d’un canton comprenant les communes de Segonzac, Boisseuil, Theillot, Coubjours, Louignac.
Quelques faits plus récents
→ Malgré son développement, le village souffrait de la mauvaise qualité de ses voies d’accès. À la fin du XIXe siècle, une route départementale moderne fut créée, longeant la butte calcaire à flanc de côteau. On la voit ici, à gauche de l’ancienne route principale, très pentue (actuelle rue de chez Courtaud, qui se prolonge par la vieille rue).
De 1912 à 1932, Saint-Robert fut desservi par un tramway à vapeur, surnommé « Le tacot ». D’une longueur de 27 km, la ligne permettait de relier Juillac à La Rivière de Mansac, en passant par Le Soulet, Ayen, Perpezac-le-Blanc, Brignac-la-Plaine. La gare de Saint-Robert se trouvait au lieu-dit « Les Andrieux », à environ 2 km du bourg.
Parallèlement, les voyageurs pouvaient également emprunter le train. Ouverte en 1898, la « ligne de Thiviers à Saint-Aulaire » passait en effet à la gare de Segonzac, à environ 3 km. Moyennant quelques correspondances, on pouvait venir à Saint-Robert en train depuis Paris ou Angoulême. Il ne restait plus qu’à franchir la dernière côte dans une cariole à cheval servant de taxi, conduite pa Philippe Descomps, également boucher du village. La ligne fut définitivement fermée en juin 1940.
→ Pierre Siméon Bourzat (1800-1868), avocat, homme politique, ami de Victor Hugo, possédait à Saint-Robert une maison de famille où il séjourna souvent et dont il ne voulut jamais se défaire.
→ En 1917, Victor Pierre Forot, ingénieur des ponts-et-chaussées et érudit féru d’histoire, réalisa une étude approfondie sur Saint-Robert et notamment sur ses archives révolutionnaires. Ses compte-rendus furent publiés en 1921 et 1922 par la société scientifique d’histoire et d’archéologie de la Corrèze. Ils constituent une mine d’information exceptionnelle sur la petite et la grande histoire du village.
Lire ou télécharger l’étude de Victor Forot en pdf.
→ Henri-Pierre Roché (1879-1959), collectionneur, critique et marchand d’art, auteur des romans « Jules et Jim » et « Deux anglaises et le continent » (adaptés au cinéma par François Truffaut), acheta en 1911 le Pavillon de Noailles, l’une des plus belles maisons nobles de Saint-Robert. Il y séjourna régulièrement jusqu’à son décès en 1959. Il est photographié ici dans son jardin de Saint-Robert par un journaliste de Paris Match, en 1953. Pour en savoir plus sur Henri-Pierre Roché.
→ En 1933, Saint-Robert se dota d’une électro-pompe qui apportait aux habitants l’eau la plus chère du département ! Cet équipement couteux fut inauguré, entre autres, par le ministre Henri Queuille et par le sénateur Henry de Jouvenel, époux de l’écrivaine Colette. Pour en savoir plus sur la station de pompage de Touron.
→ En 1981, le court-métrage télé « Le gardien des lumières« , produit par FR3 Limoges, fut réalisé à Saint-Robert sous la direction de Jean-Luc Mage, avec Fernand Kindt, Jean-Jacques Blanc. Il s’agissait d’un conte d’inspiration médiévale dont le tournage nécessita plusieurs centaines de figurants. Il fut diffusé à la télévision nationale le premier janvier 1982 à 19 h 20.
→ En 1983, Saint-Robert servit de décor aux scènes de village du feuilleton « Des grives aux loups« , adapté de deux romans de Claude Michelet. Il devint pour l’occasion « Saint-Libéral-sur-Diamant ». L’anniversaire des 40 ans du tournage fut commémoré en septembre 2023, sous la forme d’une scénographie grandiose mise en place par la troupe de la fresque de Bridiers (23), sous l’égide du comité de jumelage de Saint-Robert. Plusieurs représentants de la famille de Claude Michelet assistèrent à l’évènement. Des panneaux, réalisés en 2023 et installés sur le mur de la salle Rousseau (terrasse à gauche de l’église), commémorent cet évènement.
→ Les films « La note bleue » (Andrzej Zulawski, 1991, relatant la liaison amoureuse entre Georges Sand et Frédéric Chopin) et « Présidents » (Anne Fontaine, 2020, évoquant une rencontre imaginaire entre François Hollande et Nicolas Sarkozy) furent également tournés en partie à Saint-Robert. Ces tournages valurent au village de voir dans ses rues Sophie Marceau, Marie-France Pisier, Jean Dujardin ou encore Grégory Gadebois.
→ En terme de président(e)s, Saint-Robert peut se targuer d’avoir reçu la visite de Jacques Chirac, de François Hollande (le vrai) et de Valérie Pécresse (présidente de la région Ide-de-France), tous trois attachés à la Corrèze.